mardi 3 novembre 2015

Le 3 Septembre 2015


Je commence ce blog un 3 novembre 2015, soit 2 mois tout pile après que ma vie ait pris un drôle de virage, d'où le titre de cet article. Je possède déjà un blog, bien rempli en quelques mois d'existence. Je l'aime toujours, mais j'ai essayé à plusieurs reprises d'écrire dessus sans succès. Quelque chose a changé, et mon "Muchachoses" appartient désormais au passé (paradoxalement, la dernière entrée sur ce blog date du 2 septembre). Le blog bilingue sur ma ville, Orléans, idem. Je garderai les interviews car les concernés m'ont donné de leur temps, mais je n'ai plus envie d'avancer ce projet.

J'ouvre ce blog comme on ouvre son journal intime ou son carnet de bord ; j'ai besoin d'écrire, de partager sans avoir d'auditeur en face de moi. J'écrivais dans un bloc-notes jusque là, mais ça n'est ni pratique, ni utile, car personne ne le lit. Écrire ici, c'est un peu comme pousser la porte du cabinet de son psychologue ; on parle, on dit ce qu'on a sur le cœur, et on en sort plus léger. Il ne s'agit pas pour autant de créer un espace de rédaction déprimant ne traitant que de choses tristes. C'est simplement parler de ma vie, telle quelle est maintenant. Il y a des hauts et des bas, des passions et des désillusions, et surtout, des remises en question. Au vu de la situation, mes textes pourront paraître égoïstes. Je n'ai pas tellement envie de me justifier sur le sujet, je préfère prévenir cependant.

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Le 3 septembre 2015, après avoir tenté de joindre notre médecin traitant sans succès, nous nous sommes rendus chez SOS Médecins. Le rendez-vous n'a pas duré longtemps, et malgré un calme plutôt apaisant, le mot de la fin fut d'aller directement aux urgences. Vincent, mon mari, avait été malade cette semaine là, rien d'alarmant à première vue, mais qui méritait d'être contrôlé tant c'est inhabituel pour lui. Après une attente interminable, on nous annonce qu'il ne sortira pas de l'hôpital ce soir, qu'il doit passer des tests. Sans avoir aucune idée de ce qui se passe en dehors de "faut vérifier la tête", on a senti le vent tourner. Je ne saurais pas expliquer ce qu'on ressent dans ce moments-là exactement, le fameux mauvais pressentiment qui arrive de temps en temps, on est convaincu que quelque chose va arriver et que ça ne sera pas bon.
Après quoi, on a attendu les résultats des tests. On a su assez vite -le lendemain ou le surlendemain, il faudrait que je vérifie- que Vincent souffrait d'une tumeur au cerveau, expliquant les nausées et les pertes d'équilibre de la semaine passée. On nous a expliqué alors que les tumeurs au cerveau se divisait en 4 catégories, une échelle de 1 à 4 tout bêtement, 1 étant un stade bénin, 4 étant l'état malin le plus agressif. C'était un premier coup dur à encaisser. Évidemment, impossible de savoir à quel type de tumeur on a affaire pour l'instant ; il faut pratiquer des examens approfondis (une biopsie du cerveau) pour en savoir plus.

Les résultats sont arrivé le 23 septembre. 3 semaines d'attente pour apprendre qu'on avait affaire à un grade 4, un glioblastome multiforme. J'ai arrêté de noter ce que je ressentais à partir de cette date, en dehors des infos sur les médicaments que Vincent devais prendre et le contact d'un kiné. C'était dur de ne pas pleurer lors du rendez-vous des résultats. Au final, sur le coup j'entends, le stress l'a emporté sur la tristesse. Mon père avait presque perdu connaissance au début du mois lorsqu'on a appris qu'on parlait de tumeur au cerveau, et je savais que ma mère n'allait pas pouvoir retenir ses larmes. Au final, me dire que je devais tenir pour les autres a été la vraie raison qui m'a poussée à ne jamais pleurer.
J'ai tenu longtemps, très longtemps. Hors de question de me laisser abattre devant Vincent qui ne s'était laissé aller qu'une fois depuis le début de cette histoire. Je lui ai dit que je ne voulais pas pleurer, parce que si je commence à pleurer, je ne saurais plus m'arrêter. Au final, j'ai craqué la semaine dernière et ça a duré 2 jours. C'était pas la joie, mais avec le recul de quelques jours, je crois que c'était vital pour ma santé mentale.

Si Vincent est aigri à juste titre, je suis devenue infernale. Tout m'énerve, je n'ai plus aucune patience et les choses qui me gênaient avant me sont désormais insupportables. A l'inverse, les éléments positifs de notre vie, nos passions et nos centres d'intérêts, prennent beaucoup plus de place et sont notre bouée de sauvetage pour traverser un océan plutôt agité. S'il nous est impossible d'être neutre, nos mauvais comme nos bons côtés sont exacerbés. On apprécie encore plus nos films, nos jeux, nos proches, nos animaux, etc.


Pour compléter l'illustration ci-dessus, je fais un premier aparté. J'ai toujours aimé Big Fish. C'est un film qui m'a toujours fait rire, rêver et pleurer -pas par tristesse, mais d'émotions mitigées. Je sais qu'il a été vivement critiqué pendant un temps, mais moi il me plait. Quand j'étais au lycée, ma prof d'Arts me disait souvent que je ressemblais au héros sur pas mal de points. J'étais plutôt flattée car il est très cool ce héros, mais maintenant, je m'identifie bien plus aux personnages qui l'entourent et l'adorent. C'est Vincent, et ce qu'il représente pour moi, qui est Edward Bloom. Moi je veux bien être tous les autres. Pour terminer sur Big Fish, la maladie d'Edward m'a toujours parue être un prétexte un peu larmoyant pour traiter du vrai sujet du film, à savoir renouer les liens entre un père et son fils. A vrai dire, je vois ça d'un autre œil maintenant, et cela donne une nouvelle profondeur à un film qui me tenait déjà beaucoup à cœur.

Je reviens au sujet plus sérieux, instigateur de ce blog et de ce billet. Je dois conclure dans tous les cas car je pars au travail dans peu de temps. Mais si je peux donner un premier conseil aux personnes qui pourraient traverser cette épreuve, ou quoi que ça soit de similaire, ça serait de continuer à vivre. Tout est différent, tout est affecté ou altéré, mais les fondements mêmes d'une vie de couple sont inchangés, et vous laisser abattre serait la pire des choses à infliger à votre aimé(e). Même si au fond on sait que le temps et compté, il n'y a aucune raison de se priver d'avoir des projets, des envies, ensemble. Chaque minute compte, make the best of it.